Les derniers mots du poète
Stéphen Moysan

Le sang coule, la poésie est une tuerie Son ciel est une mère et l’amer est impaire Le père est sur terre un numéro de lumière Qui soustrait les problèmes qu’on additionne Quand les divisions se multiplient A prendre un pied d’enfer à un pas du paradis On dégaine l’artillerie lourde des mots Pour faire un vrai malheur, une boucherie de lettres Où l’infinité de l’être du poète tend vers sa mort.

Mes yeux font tomber la pluie Qui s’abat en torrents sur mes joues, Tout ce que j’ai dit n’est que du vent, Poussière de mes vanités, Entre envie du néant et du sublime J’ai le virus du chagrin de ce monde Et vain est mon espoir de guérison, Quand l’intelligence se vend à bas prix, Les hommes préfèrent jouer les imbéciles.

En immortalisant l’éphémère Pour rendre plus belle la vie d’autrui Il se met à nu à la façon d’un poème Qui se déshabille des mots. De son vivant, nul reconnaissance Gratuit sera son art qui n’a pas de prix Mais à la mort du poète Son butin des cœurs humains Payera son entrée au froid musée de la gloire.

Trop de fois Plus foi en l’homme, Plus fois en rien, Vers de rage et rage dedans * Contre la bêtise humaine. Le fascisme est la maladie La pire qu’on puisse attraper, Celles des cerveaux ramollis Et des cœurs asséchés.

Comment parler d’amour Quand c’est dans la solitude Que s’invente les langues ! Je plaide coupable D’avoir oublié le goût de vivre, D’être trop désespéré pour être heureux, De fermer ma fenêtre avec vue sur demain, D’avoir le cœur en feu de bruler de chagrin, Et de n’avoir que des larmes pour éteindre l’incendie.

Mon amour Tu es parti sans un mot Pourtant ton absence En moi résonne encore. Et me voici maintenant : Vivre l’éphémère défi D’écrire à l’encre des chagrins, Prononcer les mots qui libèrent Et rire du temps qui nous fuit.

Envie de vomir Indigérable soupe de lettres, Cela m’irrite Sur du papier velours Des mots âpres. Mes écrits en amènent un autre Qui n’apporte rien au précédent, Mes poèmes sont comme le temps Ils ne tiennent pas leur promesse.

N'ayant plus pour richesse Que la pauvreté de ma voix Et mes sens dérèglés Qui m’ont donné soif de vivre Dans un désert aride, Voilà, l’instant redouté Incapable d’écrire Crevant où je me suis affaissé Sans plus de visions.